Réfugiés :

un curé toujours en campagne


LIBERATION (Résumé de différents articles)

Catherine COROLLER correspondante à Lyon 12-2014

http://www.liberation.fr/societe/2014/12/02/refugies-un-cure-toujours-en-campagne_1155355


Enfants

La salle paroissiale de l’église du père Riffard accueille 50 adultes et 14 enfants scolarisés originaires pour la plupart de la république démocratique du Congo.

D’après Pierre Henry, président de l’association France Terre d’asile, quelque 65 000 demandes d’asile sont déposées chaque année en France pour 25 000 places dans les centres d’accueil.


Au départ, quand j’accueillais des réfugiés, c’était chez moi, dans mon appartement».

Le nombre d’étrangers à la rue augmentant, leur hébergement se fait désormais dans la salle paroissiale.


Gérard Riffard, jugé en appel pour avoir hébergé

dans son église des demandeurs d’asile,

malgré une interdiction de la mairie de Saint-Étienne,

plaide la nécessité d’une mise à l’abri.


Une deuxième fois, deux positions irréconciliables se sont opposées mardi, cette fois devant la cour d’appel de Lyon.


D’un côté, Gérard Riffard, 70 ans, ancien curé de l’église Sainte-Claire à Saint-Étienne (Loire), poursuivi pour avoir ignoré un arrêté municipal d’avril 2013 lui interdisant d’héberger des demandeurs d’asile et des déboutés du droit d’asile dans un bâtiment ne répondant pas aux normes de sécurité.


De l’autre, Denis Vanbremmersch, l’avocat général.

En première instance, le prêtre avait été relaxé par le tribunal de police de Saint-Étienne.

«Compte tenu de la saturation du dispositif ...


La décision est attendue le 27 janvier prochain


.

L’État rappelé à

son devoir de solidarité


La justice a donné raison à un curé

qui accueille des Congolais

et renvoyé l’État à ses insuffisances.


Un juge du tribunal de police de Saint-Étienne a relaxé ce mercredi matin un curé poursuivi pour avoir hébergé, des demandeurs d'asile.

Gérard Riffard, un curé stéphanois, 700 euros de retraite mensuelle,poursuivi pour avoir hébergé des demandeurs d’asile dans son église, malgré une interdiction de la mairie, ne sera pas condamné à payer 12 000 euros d’amende sur sa maigre retraite.

Henry Helfre, juge au tribunal de police de Saint-Étienne (Loire), l’a relaxé mercredi.

Le magistrat s’est appuyé sur le code de l’action sociale et des familles et une décision du Conseil d’État de février 2012

«érigeant le droit à l’hébergement d’urgence au rang d’une liberté fondamentale».

Henry Helfre a sèchement renvoyé l’État à ses insuffisances, écrivant qu’

«il est paradoxal qu’il poursuive aujourd’hui le père Riffard pour avoir fait ce qu’il aurait dû faire lui-même».


Faisant encore valoir que si la puissance publique n’a pas les moyens de satisfaire la demande d’hébergement de sans-abri, elle doit déléguer ce devoir à toute personne morale ou physique en capacité de le faire.


Pour justifier son interdiction, la mairie de Saint-Étienne

(Maurice Vincent, l’ancien maire PS de Saint-Étienne battu aux municipales par un UMP),

avait mis en avant le non-respect des normes de sécurité par Gérard Riffard dans la partie de l’église où sont hébergés ces étrangers.

En réponse, le juge cite une directive européenne de janvier 2013 qui permet «d’assouplir les normes de sécurité»pour ce type d’accueil.

Dès la décision de relaxe connue, le parquet de Saint-Étienne a annoncé sa décision de faire appel.


Normes.

Le magistrat fait encore valoir que si la puissance publique n’a pas les moyens de satisfaire la demande d’hébergement d’un sans-abri, elle doit déléguer ce devoir à toute autre personne morale ou physique en capacité de l’accueillir.

Concernant l’arrêté d’interdiction pris par la municipalité stéphanoise au motif que la salle paroissiale ne répondrait pas aux normes de sécurité pour ce type d’accueil, le magistrat s’est référé à une directive européenne de janvier 2013 permettant«d’assouplir»ces conditions.


Violaine Carrère, juriste au Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), ne dissimule pas sa joie en qualifiant ce jugement de «vachement bien» :

«Le juge a fait le tour des aspects juridiques de cette affaire de façon très complète. Et il a complètement justifié l’action de ce curé.»

A l’annonce du jugement, les soutiens de Gérard Riffard, qui étaient déjà venus nombreux lors de l’audience, ont applaudi.

Imperturbable à son habitude, le curé stéphanois s’est contenté de constater que

«le tribunal a reconnu que l’État devait prendre ses responsabilités».


L’évêque de Saint-Étienne, qui soutient activement son curé, s’est

«réjoui de cette décision de justice, qui reconnaît que l’état de nécessité prime sur les autres normes».

Le procureur de la République de Saint-Étienne a cependant annoncé qu’il fera appel.



Violaine Carrère et Pierre Henry, président de France terre d’asile,

commentent la décision du magistrat stéphanois.


Violaine Carrère : «Un tour très complet de cette affaire»

Que vous inspire ce jugement ?

Il est vachement bien ! Il justifie complètement l’action de ce curé.

Mieux, le juge a fait le tour des aspects juridiques de cette affaire de façon très complète.

Il ne s’est pas contenté des articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévus par la réforme Besson-Guéant qui stipule que lorsqu’un étranger est en situation de nécessité, il est légitime de lui apporter une aide.


Ce magistrat est allé chercher plus loin, dans le Code de l’action sociale et des famillesou une décision du Conseil d’État de février 2012 lorsqu’il invoque l’état de nécessité ou l’obligation faite à l’État d’héberger des sans-abri.


Ce jugement rappelant vertement ses obligations à l’État est-il une première ?

J’ai connaissance d’une affaire au Havre d’un citoyen poursuivi pour avoir aidé un étranger, qui a été relaxé par la cour d’appel.

Concernant les occupations de lieux, on voit aussi des jugements sur des squats de bâtiments ou de terrains. Il s’agit en général de familles roms.

Mettant en regard le droit de propriété et le droit de vivre en famille, les juges ont à plusieurs reprises considéré que le droit de propriété arrivait au second plan.


Le parquet a annoncé qu’il allait faire appel, qu’en pensez-vous ?

Je trouve cela assez étrange étant donné la motivation du jugement, je ne vois pas comment on pourrait revenir sur ce que le magistrat a mis en avant.

Déjà, lorsque le représentant du parquet avait invoqué à l’audience «l’appel d’air en faveur des filières d’immigration clandestine [dont le père Riffard serait coupable, ndlr]», il s’était fondé sur des arguments politiques et pas juridiques.



Pierre Henry : «Il ne faut pas que l’État se désengage»

Comment réagissez-vous à cette décision ?

Tout cela est très bien, et on ne peut que se réjouir que l’État soit rappelé à son devoir de solidarité.

Il a une obligation d’hébergement inconditionnelle envers toute personne en situation de détresse même si elle est en situation irrégulière, mais il est largement défaillant.



Un point vous inquiète dans la décision du magistrat stéphanois ?

Au-delà du cas individuel, je me demande comment il faut regarder ce jugement parce que je ne voudrais pas qu’il ouvre la porte à un désengagement massif de l’État qui pourrait se dire, du coup, faisons appel à la générosité et à la solidarité publiques.



L’État est censé loger les demandeurs d’asile, ce qu’il ne fait pas compte tenu du manque de places en centre d’accueil (Cada).
Pouvez-vous chiffrer ce manque ?


65 000 demandes d’asile sont déposées chaque année.

Il y a 25 000 places en Cada.

Mais comme la durée de la procédure de demande d’asile est de 18 mois, vous ne pouvez faire entrer que 15 000 sur les places de Cada chaque année.

Le reste – 30 000 personnes – se débrouille avec les hébergements d’urgence : hôtels, rue et squats, avec des coûts qui au final sont très importants pour la collectivité.