Ciao Bella

source : Charlie Hebdo


Bella a 28 ans.

En Arménie, elle a été témoin d’un assassinat et était menacée depuis sa déposition auprès de la police locale.

Fuyant son pays, elle arrive en France en octobre 2011 et dépose une demande d’asile.

Elle est alors hébergée au Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA) d’Essey (54).


En mars 2013, sa demande est rejetée.

Elle introduit alors un recours devant la Cour nationale du Droit d’asile en juillet 2013,

rejeté à son tour en décembre de la même année…

et reçoit dès début janvier 2014 une Obligation de Quitter le Territoire Français.


Ce refus de reconnaître le danger qu’elle court en cas d’expulsion ne décourage pas Bella : elle s’engage dans une démarche d’insertion, apprend le français, se forme à la recherche d’emploi et s’engage dans des actions de bénévolat.

En deux ans, la jeune femme obtient

un certificat de compétences de citoyen de sécurité civile de la Croix Rouge,

un certificat de « profession sport 54 »,

attestant de sa présence hebdomadaire à des activités sportives et plusieurs autres certificats d’insertion et de participation à différents ateliers d’arts et créatifs.

Bella a un rêve : « je voudrais travailler, me marier et avoir des enfants, mais en France ».


En juillet, elle est assignée à résidence et doit se rendre régulièrement au commissariat pour pointer...

En août, elle a préféré quitté le CADA et vit chez des membres de la communauté arménienne.


Le 1eroctobre, Bella - comme son assignation à résidence l’y contraint- se rend au commissariat de la rue Lobau à Nancy accompagnée d’une amie française.

On invite son accompagnatrice à l’attendre dans une salle d’accueil et on conduit la jeune Arménienne dans un bureau.

Quelques minutes plus tard, elle avertit son amie : elle vient d’être arrêtée et va être immédiatement conduite au centre de rétention (CRA) de Metz.

A 18 heures, elle est enfermée.

18 heures … les permanents de l’Ordre de Malte qui interviennent au CRA sont partis : Bella ne peut voir personne pour la conseiller sur ses droits et engager un recours contre la mesure d’enfermement.

La procédure est dorénavant bien rôdée : on se débrouille pour que les futurs expulsés arrivent en rétention après le départ des intervenants…


A 3 heures du matin, le 2 octobre, Bella est conduite à Roissy en catimini et est embarquée de force dans un avion pour Erevan, en tongs et tee-shirt, sans même avoir pu rassembler le moindre effet personnel…


lundi 20 octobre 2014.

Quand la lutte

contre les sans papiers

prend le pas sur la

protection des prostituées


Le gouvernement procède à des interpellations massives de personnes prostituées alors que l’abrogation du délit de racolage passif, promesse de campagne du Président, est discutée au Parlement.

Mercredi 19 novembre au soir, la préfecture de police de Paris procédait à une rafle au bois de Boulogne sur réquisitions du procureur, à l’issue desquelles vingt personnes prostituées ont été placées dans les centres de rétention du Mesnil-Amelot et du Palais de Justice de Paris en vue d’être expulsées.


Il apparaît évident que ces réquisitions, qui visaient expressément l’infraction à la législation sur les étrangers, avaient pour objet la traque de personnes étrangères en situation de prostitution, pourtant potentielles victimes de proxénétisme ou de traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle.


Parmi les personnes interpellées, figuraient des personnes vulnérables telles qu’une mineure enceinte ainsi qu’une personne atteinte d’une grave pathologie nécessitant un traitement ne pouvant pas être réalisé dans son pays d'origine ; toutes deux ont été libérées par le Tribunal administratif qui a considéré que les mesures prises à leur encontre par la préfecture étaient illégales.


Le fait que nombre des personnes interpellées soient ressortissantes de pays de l’Union Européenne, ou en situation régulière et donc autorisées à séjourner en France, n’a pas non plus empêché la préfecture de prendre à leur encontre des obligations de quitter le territoire (OQTF) en considérant que la prostitution et le racolage constituaient une

« menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française ».

Les décisions d’éloignement prises sur ce fondement révèlent un traitement discriminatoire à l’égard des ressortissants communautaires, contraire au droit de l’Union Européenne, dans la mesure où la prostitution n’est pas interdite en France et est considérée comme une activité professionnelle non salariée en droit français.


Dans un arrêt de 2005, le Conseil d’État a rappelé que l'activité de prostitution ne constituait pas une menace pour l'ordre public en dehors de circonstances particulières.

A fortiori, le racolage passif, bien que demeurant pour le moment une infraction, n'est pas non plus, en tant que tel, constitutif d’une telle menace.

Le Tribunal administratif a également sanctionné ces mesures illégales.


Une proposition de loi, portée par des parlementaires de la majorité et visant à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle, contre le proxénétisme et pour l'accompagnement des personnes prostituées, est en discussion au Parlement actuellement.

Alors qu'une des mesures phare de ce texte, promesse de campagne du Président Hollande, est l'abrogation du délit de racolage, il est déplorable d’assister à ce type d’opérations policières ayant pour unique but d'incriminer les personnes prostituées d'origine étrangère.


http://www.lacimade.org/regions/ile-de-france-champagne/nouvelles/5223-Quand-la-lutte-contre-les-sans-papiers-prend-le-pas-sur-la-protection-des-prostitu-es


En France, l'étranger n'est ni un problème ni une menace.