J U R I S P R U D E N C E
Annulation d’une prolongation
de rétention pour une famille
avec un enfant
Cour d’appel de Rennes (271/2008) du 29 septembre 2008, qui annule la prolongation de rétention sur l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme :
« Considérant que le moyen tiré de la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, que, selon ce texte, nul ne peut être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, que pour tomber sous le coup de cette disposition, un mauvais traitement doit attendre un minimum de gravité, dont l’appréciation dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de la nature et du contexte du traitement, de sa durée, de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge, et de l’état de santé de la victime ;
Considérant que le préfet fait valoir que le fait de placer les époux S. et leurs enfants au centre de rétention de Saint-Jacques de la Lande, qui dispose de locaux spécialement aménagés pour recevoir les familles, ne constitue pas un traitement inhumain et qu’en raison de son jeune âge, l’enfant, qui n’a pas été séparé de sa mère, ne subit pas de traumatisme psychologique dans la mesure où il n’est pas à même de se rendre compte de sa situation ;
Mais considérant que même s’il dispose d’un espace réservé à l’accueil des familles, le centre de rétention reste un lieu d’enfermement où sont retenus des étrangers, en vue de leur éloignement du territoire français, pour une durée pouvant atteindre 32 jours ; que, dans le cas particulier de l’espèce, le fait de maintenir, dans un tel lieu, une jeune mère de famille, son mari et leur bébé âgé d’un an, constitue un traitement inhumain au sens de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’Homme, en raison :
- - D’une part du fait que l’enfant se trouve soudainement soustrait, dès son plus jeune âge, à un cadre de vie habituel et approprié : le domicile de ses parents – pour se voir imposer, même temporairement, des conditions de vie tout à fait anormales pour un bébé d’un an ;
- - D’autre part, de la grande souffrance, morale et psychique, infligée à la mère et au père ; souffrance qui, par sa nature, son importance et sa durée (la prolongation de la rétention sollicitée par le Préfet étant de quinze jours), dépasse le seuil de gravité requis par le texte précité
Considérant en outre, que la souffrance causée est manifestement disproportionnée au but poursuivi, c’est-à-dire la reconduite à la frontière des époux S., ce d’autant plus que les intéressé disposent d’un logement personnel à Vitré où ils ont été interpellés ».