Festival de Cannes 2014

 

«Aïssa»,

l’anatomie d’une jeune Congolaise

 

Court métrage de huit minutes, réalisé en Super 16, de Clément TRÉHIN-LALANNE, 31 ans.

 

 

Montre des images de la France d'aujourd'hui, mais qui renvoient violemment au passé colonialiste et raciste.

Au centre de l’histoire, une jeune Congolaise sans-papier et en situation irrégulière sur le territoire français.

Pour déterminer son âge - si elle a plus de 18 ans, elle peut être expulsée - un médecin va examiner l’anatomie de la jeune fille, jusqu’aux parties intimes.

 

 

On imagine que l’on va encore avoir affaire à un énième film sur les sans-papiers.

Pourtant, le point de vue du réalisateur est bien différent de ce que l’on a pu voir auparavant.

 

La force du film est de créer une atmosphère particulièrement tendue sans pour autant qu’il y ait une réelle violence des actes.

Son regard sur Aïssa est suffisamment aiguisé pour que nous nous mettions à sa place, dans des situations inconfortables.

 

Cet âge réel, c’est celui qui permettra de décider de leur destin : se verront-elles accorder un titre de séjour ou bien seront-elles expulsées?

La violence de la situation se retrouve exactement dans le court-métrage de Clément Tréhin-Lalanne. À la différence de nombreux films sur le thème des sans-papiers où l’on voit des immigrés traqués et des forces de l’ordre agressives, ici, point de brutalité, mais une situation qui glace, celle de la visite médicale avec l’analyse détaillée de l’ossature et de l’anatomie d’Aïssa.

 

Dès le générique d’ouverture, la police anticipe le destin d’Aïssa : un cas supplémentaire parmi tant d’autres, un dossier juridique à traiter de la manière la plus détachée, un simple numéro.

Puis, on découvre la nuque de la jeune fille.

La caméra ne la quittera d’ailleurs plus jusqu’à la dernière image du film.

On apprend qu’Aïssa a 17 ans, qu’elle termine un CAP d’esthéticienne et qu’elle est en pleine santé.

 

Mais alors qu’a-t-elle fait de mal pour se retrouver là ?

La voix off du médecin enregistrée sur son dictaphone décrit avec impassibilité les différentes parties du corps d’Aïssa, montrées ici de la manière la plus crue.

La jeune fille est mise à nue, est apeurée devant cet examen froid et clinique.

 

Le rôle de « bête curieuse » étudiée sous tous les angles est campé par l’incroyable Manda Touré. Sans un mot, elle transmet une immense pudeur associée à de la frayeur.

Le diagnostic du médecin vient ensuite clore le film avec la plus grande froideur.

S’ensuit un cut de fin qui laisse la gorge sèche, sans musique et sans compassion aucune.

Clément Tréhin-Lalanne a encore une fois réussi à nous mettre mal à l’aise.

 

Camille Monin

 

 

Entretien avec le réalisateur

par Siegfried Forster / RFI


Avez-vous toujours rêvé d’être dans la compétition officielle des courts métrages au Festival de Cannes ?

Clément Tréhin-Lalanne : J’ai réalisé Aïssa l’année dernière.

Mon producteur voulait envoyer le film au Festival de Cannes.

Personnellement, je n’étais pas vraiment pour, parce que si on veut que le film soit sélectionné à Cannes, il faut qu’il n’ait jamais été montré ailleurs.

Moi, je ne voulais pas attendre, je voulais montrer mon film tout de suite après l’avoir fini.

Et la réponse du Festival me paraissait forcément négative.

Mais le producteur a insisté pour qu’on attende.

Et il a finalement bien fait, puisqu’on est là. [Rires]

 

Quel est votre sentiment après avoir vu votre court métrage projeté ici, au Festival de Cannes ?

L’angoisse était là.

J’ai vu aussi les neuf autres courts métrages en compétition, qui sont très bien, aussi.

 

Aïssa traite un sujet très particulier. Comment avez-vous eu l’idée de filmer cette histoire ?

J’ai lu un article sur ce sujet dans Rue89.

Il y avait un vrai rapport de médecin sur ces examens médicaux pratiqués sur des jeunes sans-papiers pour savoir s’ils sont mineurs ou majeurs.

L’examen passe par une radio du poignet, mais parfois, même assez souvent, le médecin pousse l’examen regardant la pilosité des aisselles et du sexe, la formation des seins, des organes génitaux d’une manière générale.

 

En regardant votre film, il y a beaucoup d’images qui passent par la tête.

Des images du colonialisme, des fiches signalétiques des grands criminels avec la taille, le poids, la couleur des yeux, etc.

Quelle est l’image qui avait déclenché l’envie de faire ce film ?

Il y a effectivement des images rappelant le colonialisme qui me paraissaient très fortes et que je voulais montrer.

Il y a un moment où le médecin examine la dentition de la jeune fille.

Un moment où l’on pense beaucoup à la traite négrière.

Nous avons aussi choisi ce parti pris esthétique : on filme en images carrées, en format 4:3, c’est tourné en pellicule pour avoir cette image du passé.

Une image aussi proche du film Monsieur Klein de Joseph Losey

[sorti en 1976 avec Alain Delon comme acteur principal, le film évoque l’occupation allemande à Paris, en 1943, ndlr]

qui commence avec un examen de judéité.

Il y a des images historiques qui reviennent.

 

Si on évacue du regard l’aspect historique, on pourrait dire qu’il s’agit juste de respecter la loi : contrôler l’âge de quelqu’un qui n’a pas de papiers...

On peut effectivement dire que c’est pour le respect de la loi.

Simplement, le problème est que ces examens sont fiables à dix-huit mois près !

L’examen le plus important et le plus précis, la radiographie du poignet, affiche une marge d’erreur de dix-huit mois.

Puisque la question est : "Est-ce qu’elle a plus ou moins que dix-huit ans ?", ces examens ne sont pas fiables.

Pour le respect de la loi et pour le respect des droits de l’homme, il faudrait plutôt mettre un terme à ces examens.

 

 

AÏSSA, PRIMÉ À CANNES !

Le court-métrage « Aïssa » de Clément Trehin-Lalanne a obtenu la mention spéciale du jury au Festival de Cannes.

 

Il était le seul représentant français de la catégorie.

RETOUR EN TERRE

Vies suspendues d'expulsés maliens.

 

de Magali Hirn (photographies) et Mathilde Guermonprez (réalisation sonore)

Essai documentaire - 13 mn

 

Bamako, avril 2010.

Après des années de travail à l’étranger sans papiers, de nombreux Maliens se retrouvent expulsés dans leur pays d’origine.

Les mains vides, ils doivent alors se confronter à leur entourage, vivre cette humiliation, l’absence de repères et de projets ici quand tout est là-bas.

 

Une vacuité existentielle qu’ils affrontent quotidiennement et que nous livrent quatre d’entre eux.

 

Ni une, ni deux (2010) 12 mn

Court métrage de Philippe Courtin et Akéla Sari

Pour la campagne du même nom de LA CIMADE

 

Court métrage de fiction relatant le parcours de trois femmes étrangères victimes de violences...violences de leur mari ou de leur exploiteur, violence de l'administration française qui refuse de les considérer comme victime.

 

Pour les femmes étrangères, une violence peut en cacher une autre.

Aux violences qu’elles peuvent subir en tant que femmes – dans leur pays d’origine, pendant leur exil ou en France - s'ajoute trop souvent la violence de l’administration française parce qu'elles sont étrangères.

Ne faisons ni une ni deux : exigeons une véritable protection.

 

Visionner :

http://www.lacimade.org/minisites/niunenideux/rubriques/127-Les-actions-de-la-campagne?page_id=2950

 

D'autres vidéos de LA CIMADE :

http://www.dailymotion.com/comcimade